La scène se déroule à Maringues, au cœur de la Plaine Limagne. Entre deux réunions de conseil municipal, Denis Beauvais, maire de la commune et vice-président de la communauté de communes, ajuste une pièce en chêne massif sur le prototype d’une petite remorque.
Elle s’appelle « M », comme Maringues, comme Mobilité, comme Moderne. À la croisée du design et du bon sens, cette invention locale illustre à merveille la transition vers une nouvelle économie, plus ancrée, plus durable, plus artisanale aussi.
Une idée née d’un souvenir d’après-guerre
Tout est parti d’un souvenir. « Après la Seconde Guerre mondiale, un grand manufacturier clermontois proposait une petite remorque pour aider les familles à transporter leurs charges du quotidien », raconte Denis Beauvais. Cet ancien cadre de la maison Michelin, où il a travaillé plus de trente ans, n’a jamais oublié cet objet simple et pratique, disparu des routes depuis des décennies.
Huit décennies plus tard, à l’heure où la mobilité douce s’impose comme un enjeu majeur des territoires, il décide de réinventer cette idée oubliée.
Sa conviction : dans nos villes moyennes et nos campagnes, nous avons toujours besoin de déplacer des charges lourdes ou volumineuses, sans pour autant dépendre de la voiture.
La Remorque M, entre artisanat et ingénierie locale
Depuis 2014, Denis Beauvais planche sur son projet de remorque universelle. Conçue pour être à la fois piétonne et cyclable, la Remorque M mise sur la simplicité et la robustesse. Entièrement démontable, elle se transporte aisément et s’adapte à de multiples usages : faire ses courses, transporter du matériel, accompagner les activités de loisirs ou servir de support logistique pour les artisans et collectivités.
Son secret ? L’association de matériaux nobles et durables : acier, aluminium, inox et chêne massif. « J’ai fait le choix de la qualité », explique l’inventeur. « Le prix de vente sera peut-être supérieur à certaines entrées de gamme, mais cette remorque est faite pour durer. » Le tarif, inférieur à 1 500 €, se veut néanmoins accessible pour un produit fabriqué localement, pensé pour résister au temps.

Une nouvelle approche de la mobilité douce en Auvergne
Au-delà du produit, c’est une philosophie qui se dessine. La Remorque M s’inscrit dans la logique d’une mobilité douce en Auvergne : un mouvement qui valorise l’ingéniosité locale, le respect de l’environnement et l’économie de proximité.
« Nous avons la chance de vivre dans une région où les déplacements restent à taille humaine », souligne Denis Beauvais. « Ici, la mobilité durable, ce n’est pas une injonction urbaine, c’est une question de bon sens. » L’élu voit dans son projet une réponse concrète à la transition écologique : moins de moteurs, plus de muscles, mais avec de l’aide technique pour alléger l’effort.
L’idée d’une économie locale de la mobilité prend ici corps : une conception auvergnate, une fabrication de proximité, des circuits courts de distribution et une maintenance assurée via un site e-commerce où chaque pièce détachée sera disponible à l’unité. Une logique d’autonomie, loin de l’obsolescence programmée.
De l’ingénierie à la vitrine commerciale
Pour franchir une nouvelle étape, le créateur de la Remorque M a lancé une campagne de financement participatif. Objectif : réunir 5 000 € pour financer la création d’une boutique en ligne et la production de documents de présentation destinés aux magasins de cycles et boutiques de loisirs. « Cette première collecte, je la vois comme un acte collectif », explique-t-il. « C’est aussi une manière de fédérer ceux qui croient à un autre modèle de consommation. »
Derrière ce projet artisanal se dessine une ambition plus large : celle de replacer la fabrication utile au cœur des territoires. En combinant design, savoir-faire et responsabilité écologique, la Remorque M témoigne de cette nouvelle génération d’entrepreneurs auvergnats qui conçoivent des produits à la fois fonctionnels et porteurs de sens.
Quand innovation rime avec ancrage territorial
À Maringues, commune de 2 800 habitants, l’initiative n’est pas passée inaperçue. Elle incarne à sa manière cette « nouvelle économie locale » que l’Auvergne cultive : celle des petites séries, du sur-mesure, de la durabilité. À rebours des logiques industrielles mondialisées, Denis Beauvais réunit dans sa remorque autant de mémoire que d’avenir.
« La mobilité douce, ce n’est pas seulement une question de technologie, c’est aussi une affaire de culture et de territoire », résume-t-il. En d’autres termes : innover, c’est parfois simplement redonner vie à des idées qui fonctionnaient déjà, à condition de les adapter à notre époque.
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